Le Pays des Contes de Fées : petite histoire d’une grande attraction
Il était une fois un pays magique niché au nord-est de Fantasyland, un royaume miniature dont l’attrait est inversement proportionnel à la taille : Le Pays des Contes de Fées. En serpentant au gré de son paisible canal, les visiteurs peuvent découvrir tout un monde de récits et de légendes qui ont inspiré les Studios d’animation Walt Disney au cours de leur histoire. Mais l’héritage de cette attraction incontournable remonte bien plus loin encore, jusqu’à Walt Disney lui-même…
DES MINIATURES À GRANDE ÉCHELLE
À l’origine de la création du Pays des Contes de Fées, il y a la passion de Walt Disney pour les miniatures. Fasciné depuis l’enfance par des contes et récits fantastiques tels que « Jack et le Haricot Magique », « Alice au Pays des Merveilles » ou encore « Les Voyages de Gulliver », il adore quand les personnages se retrouvent dans des environnements disproportionnés et cela se ressent très tôt dans son œuvre.
On raconte que sa première expérience en matière de modèles réduits remonte au début des années 30, lorsqu’il aida son neveu – un certain Roy E. Disney – à construire son train électrique. Mais c’est en 1939 qu’il se prend véritablement de passion pour le sujet, en découvrant l’impressionnante collection de Narcissa Thorne, une artiste américaine célèbre pour ses recréations d’intérieurs américains, européens et asiatiques à l’échelle 1/12, lors de l’Exposition Internationale du Golden Gate ouverte cette année-là à San Francisco.
Il se met alors à collectionner toutes sortes de miniatures, acquises notamment lors de ses voyages en Europe – mobilier, vaisselle, livres ou encore instruments de musique… Il s’essaie même, avec un certain succès, à la construction de modèles réduits. D’abord de simples objets, avant d’aller crescendo.
Entre 1949 et 1950, il crée avec des collègues du studio le Carolwood Pacific, un train et tout le parcours ferroviaire qui va avec, dans le jardin de sa propriété d’Holmby Hills. Il se lance ensuite dans la construction d’une maquette de la cabane de Grand-mère Kincaid, la grand-mère du petit Jeremiah dans Danny, Le Petit Mouton Noir (1948), qui sera exposée au Pan Pacific Auditorium de Los Angeles en 1952 et présentée au public comme la première étape d’un projet plus vaste baptisé Disneylandia : une série de dioramas représentant des moments de l’histoire américaine, qui devait être transportée en train de ville en ville à travers les États-Unis.
Durant cette même période, il travaille également à deux autres projets : un danseur miniature animé et une scène représentant un « barbershop quartet* » traditionnel.
Mais une idée encore plus ambitieuse va bientôt occuper son esprit…
UN MONDE TOUT PETIT
Cette idée, c’est celle d’un parc à thème. Elle lui trotte dans la tête depuis qu’il a découvert Electric Park à Kansas City en 1911 et il commence à la formaliser à partir de 1948 sous le nom de « Mickey Mouse Park ». En 1951, il demande à l’un de ses artistes, Harper Goff, d’en dessiner une vue aérienne devenue célèbre. C’est là qu’on découvre pour la première fois la mention d’une zone baptisée « Gravity Flow Canal Boat », un parcours en bateau situé non loin d’un vieux moulin…
Ce concept évoluera en 1953 sous la forme d’un plan dessiné par Herb Ryman, l’un des pionniers de Disneyland, comportant un « Lilliputian Land** » – nouvelle référence à Jonathan Swift – localisé entre « Fantasy Land » et le « monde de demain ». Selon les propres termes de Walt, ce Land** devait être « un pays rempli de petites choses… un village traditionnel américain peuplé de personnages mécaniques d’une vingtaine de centimètres qui chantent, dansent et vous parlent tandis que vous regardez à travers les fenêtres de leurs petites boutiques et maisons. À Lilliputian Land**, on peut monter à bord d’une barge qui vous transporte à travers les plus célèbres canaux du monde, où vous pouvez découvrir les merveilles du monde en miniature. »
L’idée de représenter ces « merveilles du monde en miniature » lui a d’ailleurs été inspirée par la visite en 1952 du parc hollandais Madurodam, qui venait alors tout juste d’ouvrir ses portes, et qui abrite encore aujourd’hui des répliques à l’échelle 1/25 des plus célèbres lieux et monuments des Pays-Bas.
La technologie nécessaire à l’animation de ces personnages n’étant pas encore au point à l’ouverture de Disneyland Resort en 1955, les Imagineers*** décident néanmoins d’ouvrir une attraction temporaire, Canal Boats of the World, offrant un aperçu paisible de Fantasyland depuis des bateaux surnommés d’après des figures emblématiques de la culture mondiale telles Nelly Bly, pionnière du journalisme américain, qui fit seule le tour du monde entre 1889 et 1890, Guenièvre et Lady Shallot, issues de la légende arthurienne, ou encore Gretel, d’après les frères Grimm.
L’année suivante, Walt reprend l’idée d’une croisière à travers des décors miniatures, mais cette fois autour de ses propres Classiques animés. Pour cela, il fait notamment appel à des Imagineers*** ayant travaillé auparavant dans son studio d’animation, comme Ken Anderson, qui avait participé à la création de plusieurs « Silly Symphonies », de Blanche-Neige et les Sept Nains (1937) et de Pinocchio (1940), et Frank Armitage, qui avait été membre de l’équipe de Peter Pan (1953), La Belle et le Clochard (1955) ou encore La Belle au Bois Dormant (1959) – et qui contribuera également au design de Fantasyland pour Disneyland Paris ! Cette nouvelle version ouvre ses portes en 1956. Les miniatures qu’on peut alors y trouver rendent hommage aux Classiques Blanche-Neige et les Sept Nains, Pinocchio, Le Crapaud et le Maître d’École (1949), Cendrillon (1950), Alice au Pays des Merveilles (1951) et Peter Pan, ainsi qu’à des cartoons célèbres comme Les Trois Petits Cochons (1933) ou encore Le Vieux Moulin (1937).
Le design des différentes scènes fait preuve d’une incroyable synthèse entre animation et architecture que les Imagineers*** en charge de la rénovation de Fantasyland en 1983 décideront de s’en inspirer pour réimaginer le Land** tout entier. C’est ainsi, par exemple, que le manoir du Baron Têtard, qui faisait partie de la version originale de l’attraction en version miniature, sert désormais de nouvel écrin grandeur nature au parcours scénique Mr. Toad’s Wild Ride.
Quant à l’expérience de Storybook Canal Boats****, elle ne cessera d’évoluer, avec de nouvelles scènes inspirées d’Aladdin (1992) ou encore La Reine des Neiges (2013).
CAP SUR L’EUROPE… ET AU-DELA !
À Disneyland Paris, la création du Pays des Contes de Fées est envisagée dès 1992, dans le cadre de la première grande extension du Parc Disneyland. Le concept de départ reprend tout naturellement celui de Disneyland Resort, tout en l’actualisant. Les premières esquisses mettent ainsi en avant La Belle et la Bête, sorti en octobre de cette année en France, à travers le château de La Bête et le village de Belle. La Petite Sirène (1989) n’est pas en reste non plus, sans oublier Aladdin. Ce sera d’ailleurs l’occasion de rendre hommage à ce dernier, sorti en 1992 aux États-Unis, mais l’année suivante en France, en remplaçant l’énorme figure de Monstro qui accueille les visiteurs à l’entrée de l’attraction américaine par la tête de tigre de la Caverne aux Merveilles.
L’attraction ouverte en 1994 renoue également de manière très poétique avec l’idée originale de Walt de jouer sur les échelles. La séquence d’entrée, avec son livre géant représentant la Vallée Enchantée de Coquin de Printemps (1947) et sa végétation évoquant le patchwork d’un édredon (comme on peut aussi le voir en Californie, en hommage à la « Silly Symphony » Au Pays de la Berceuse de 1933), donnent l’impression aux visiteurs de retomber en enfance, comme au moment de la lecture d’une histoire avant de s’endormir.
L’autre particularité de cette version tient à l’organisation des scènes qui fait écho à celle de Fantasyland (en quartiers dédiés chacun à un pays européen), tout en l’élargissant au contes et récits du monde entier qui ont inspiré les Studios d’animation Walt Disney. Ce choix rappelle en même temps le projet original de Walt : une croisière miniature à travers le monde.
Les bateaux qui sillonnent ces paisibles canaux portent le nom d’un personnage Disney féminin, comme Wendy, Jasmine, Pocahontas, Aurore ou encore Mary Poppins.
Tout comme l’original californien, l’attraction parisienne a évolué au cours du temps. Dépourvue de personnages à son ouverture (comme c’est le cas encore aujourd’hui aux États-Unis), ce n’est que plus tard qu’elle se voit peuplée de figures iconiques.
En 2010, la tour de Raiponce sera modifiée afin de reprendre le design exact du film d’animation sorti la même année.
Et aujourd’hui, à l’occasion du 30e anniversaire de l’attraction, trois nouvelles scènes viennent de faire leur apparition, inspirées des films d’animation Disney « La Reine des Neiges » et « Winnie l’Ourson », et du film d’animation Pixar « Là-Haut ».
Durant leur paisible voyage en bateau, les visiteurs peuvent à présent admirer bon nombre de nouveaux décors, tels que la majestueuse Montagne du Nord accueillant l’emblématique Palais de Glace d’Elsa à son sommet, la cabane de Winnie l’Ourson ou encore la maison de Carl Fredricksen survolant les Chutes du Paradis et servant de scène finale. Ce dernier chapitre résonne ainsi comme une ultime invitation au voyage. Si notre croisière s’achève, ce n’est que le début de l’aventure.
Et comme le dit fort justement Charles F. Muntz, « L’aventure, c’est extra ! »
*Quatuor de chanteurs ** Zone thématique *** Ingénieurs de l’imagination **** Voyage au pays des contes de fées